Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • La Fête des écoles et les fusils mitrailleurs

    Des beaux souvenirs à la colère noire.

    Traversant le parc des Bastions aux alentours de midi et voyant une horde de gens s'activer pour aménager les allées avec les tables réservées pour chaque école, je me réjouissais que la Fête des écoles puisse avoir lieu, que le soleil gagnait. Les Promotions, comme on disait avant.

    Je tentais de repérer les bancs de mon école, comme si c'était encore à mon tour, en vain. Mais je me souvins de ce jour-là pour moi, où l'on eut la mauvaise idée de me mettre en tête de cortège et de me faire porter tout au long du chemin la pancarte de mon école. Une chemise blanche et un nœud papillon bleu, les grandes occasions. Peut-être étais-je tout fier, mais en tout cas je tremblais.

    Le sirop de grenadine dans le parc nous consolait finalement, et tout se passait bien. Peut-être y avait-il quelques gendarmes ici ou là, je ne sais pas. Heureuse époque, heureux pays, heureuse ville. À ce moment-là, mais il n'y a pas si longtemps quand même.

    Repassant cet après-midi à l'heure du cortège, je commence par voir un bus articulé en travers de toute la chaussée au bas de la Corraterie. De loin, j'ai cru à un accident. Sur place, je constatais qu'il était soigneusement posé là pour épouser la courbe de la ligne 14 du tram, le laissant passer, mais bloquant tout autre véhicule voulant entrer dans les Rues basses. Bien entendu, le risque terroriste.

    Remontant direction place Neuve, toujours en chemise blanche mais ayant troqué le nœud papillon de mon enfance pour une cravate, je vois un policier portant un fusil mitrailleur en bandoulière qui me regarde approcher. Nous sommes sans doute tous des suspects, désormais. Plus loin, d'autres également. Et à chaque rue bordant le parc des Bastions, des bus et cars de police mis en travers de la chaussée, les barrières métalliques ne suffisant plus.

    Même si au fond de moi j'appuie ces mesures et me rend bien compte qu'aucun responsable de la sécurité ne pourrait en faire moins dans ce bas continent, je suis saisi d'un immense sentiment de tristesse, et de colère. Ce pays, cette ville ont été bousillés, en tout cas leurs âmes et leur quiétudes. Tout cela, en quelques décennies. Je parle d'un sentiment de colère, mais c'est plus fort encore.

    L'envie de demander des comptes. L'envie de dire à celles et ceux qui ont à ce point ouvert les portes de ce pays amenant tant de potentiels terroristes, comme je l'ai fait pour l'infâme chancelière allemande lors d'un précédent billet, qu'outre nos identités, ils nous ont aussi bousillé notre sécurité. Les informer, ces ténébreux personnages, que certains des enfants d'aujourd'hui côtoient ceux qui passeront à l'acte demain.

    Un défilé d'enfants joyeux entourés par des fusils mitrailleurs. Voilà l'état actuel de cette ville, de ce pays, et de ce continent. Souvent dans ma vie, j'ai essayé de lutter, d'écrire, de crier stop ici ou là, pour arrêter la folie migratoire qui nous est imposée, sans doute jamais assez fort. Je m'en veux, jamais comme aujourd'hui je le mesure.

    Pardonnez-nous, les enfants.