La lune, l'animal, et l'homme...
Une seule envie, partager un moment de dur bonheur, et des doutes.
Je me trouve quelques jours dans un endroit reculé du Valais, en pleine montagne. La neige est fortement tombée ces jours. Durant la journée, alors que je jetais un œil depuis ma fenêtre sur le chemin pentu qui mène où je suis, j'aperçois un chien noir courir le long de celui-ci. Il y a des arbres, de la neige dessus. Je n'arrive pas à voir si des personnes sont en train de le balader, mais je le suppose. De loin, il a l'air énergique, heureux.
La journée avance et vers 20 heures, je sors pour tenter de voir la lune qui doit être si belle à son périgée, qui plus est depuis la montagne. Mais un épais et rageant brouillard est maintenant monté jusqu'à cette altitude, alors que toute la journée, la mer de brouillard avait sa limite bien 300 mètres en dessous, offrant l'un des plus beaux spectacles de la nature. La poisse.
Je prends avec ma voiture un chemin escarpé qui gravit la montagne, avec l'espoir que 100 ou 200 mêtres d'altitude en plus, m'offrent un ciel plus dégagé. C'est le cas. Mais je ne suis pas sur le bon versant, c'est d'en face que l'on peut la voir, la déesse lune. La poisse, encore. Je redescends.
Soudainement, je vois un animal courir sur cette petite route. Arrivé à sa hauteur, c'est un chien. Un beau chien noir. La neige est si haute sur les deux côtés de la route, qu'il est dur de croiser ne serait-ce qu'une moto. Au pas, je passe devant le chien qui me regarde, en pleine nuit, à travers la fenêtre. Ses yeux brillent. Je suis surpris. Je me demande si ce n'est pas celui que j'ai vu dans la journée.
Je rentre mais y repense sans cesse, et j'acquis la conviction que oui, ce doit être lui. Et qu'il est en recherche désespérée de nourriture. Je ne tiens plus en place. Je n'ai pas grand chose sous la main, mais je coupe un bon tiers du pain que j'ai, et prends une madeleine. Du sucre me dis-je, les chiens aiment. Je me remets donc sur ce chemin escarpé, le cherche. Je vais plus haut encore, mais l'état de la route devient trop mauvais. Avec résignation, je dois faire demi-tour.
Je continue mes recherches, sans plus trop d'espoir, partout dans le coin. Mais soudainement, sur une route bordée de quelques chalets, je revois au loin une ombre noire courir sur la route. Je retrouve espoir. Est-ce vraiment lui ? J'arrive à sa hauteur. Cette fois, il est à droite. Je lance par la fenêtre le pain et la madeleine. La route étant déserte, je peux m'arrêter et l'observer. Il a déjà mangé la madeleine, et dévore le pain. Un instant de bonheur indescriptible me saisis. Puis je rentre.
Je me questionne sur ce que j'aurais dû faire. M'en approcher ? Le prendre dans ma voiture ? Je me remplis de doutes. Mais je pense surtout qu'il n'a pas assez mangé. Je reprends donc la même chose, et repars à sa recherche. En vain. Je m'en veux, je me demande où il va dormir. S'il va survivre. Finalement, je dépose cette nourriture sur le chemin où je l'ai vu courir, on ne sait jamais. Demain, je repars à sa recherche, et m'en occuperai mieux. Et lui, bien que ce fût furtif, sûr qu'il reconnaîtra à son odorat l'homme qui lui veut du bien. Puissé-je le revoir.
Je viendrais assurement le dire ici.